Clémence commence à faire de la vidéo au lycée Marie de Champagne au sein d’un atelier extra scolaire. En 2008, avec un court-métrage qu’elle a réalisé, elle participe au festival Première Marche et gagne le prix du Jury et du public. Son bac Littéraire en poche, elle part à Nantes où elle intègre la classe préparatoire Cinésup afin de préparer le concours de la prestigieuse école parisienne, La Fémis.
« Comme toutes les classes prépa, il s’agissait d’une formation assez généraliste et plus théorique que tournée vers la pratique. Deux années qui m’ont permis de poser les bases. » explique-t-elle.
En 2010, elle réussit son pari et entre à la Fémis, au sein du département montage. Pendant 4 ans, elle va apprendre à maîtriser la chaîne de fabrication d’un film et plus particulièrement le montage.
« À la Fémis, il n’y a pas de professeurs, ce sont des professionnels qui entre deux films viennent nous délivrer des enseignements sous forme d’ateliers. On apprend en faisant des films, chacun à notre poste. Et on commence à développer sans s’en rendre compte un réseau professionnel qui nous aidera à nous lancer une fois l’école finie. Le réseau, ça commence par les camarades de promotion ! ».
Le bouche à oreille et le réseau sont importants dans ces métiers où il faut savoir se distinguer. Les offres d’emplois sont pourvues avant d’être publiées.
Clémence Diard lors du dernier Festival Première Marche à Troyes où elle présentait le film "Mes frères et moi" (Photo Philippe Rappeneau)
Son diplôme en poche, Clémence fait ses armes en montant des courts-métrages.
« Le court-métrage est un format formidable qui permet à des jeunes réalisateurs d’essayer des choses avec fantaisie et liberté car les enjeux financiers et la pression soint moindres que sur les longs-métrages. »
On dit du montage qu’il s’agit de la troisième écriture du film, après le scénario et le tournage. C’est cela qui passionne Clémence.
« Au montage, on poursuit les réflexions autour de la mise-en-scène. Notre matière première ce sont les comédiens. Notre but c’est l’émotion. Monter ça n’est pas nécessairement choisir la meilleure prise. On cherche autre chose, une forme de justesse par rapport à l’histoire qu’on veut raconter. On imprime aux scènes une direction, un rythme. Le monteur s’attache aux détails, comme à la narration dans son ensemble. En coupant des éléments du récit, on peut créer un espace de suggestion qui stimule l’imaginaire du spectateur, lui donne l’agréable sentiment qu’on ne le prend pas par la main. A l’inverse, quelques images de trop, et l’ennui pointe son nez. L’équilibre est délicat à trouver. En salle de montage on pense constamment au spectateur, c’est pour lui qu’on fait le film. On lui ménage un chemin, une façon d’appréhender l’histoire. »
Elle ajoute :
« Sans monteur, le réalisateur se noierait. Il porte son projet depuis des mois, voire des années et manque parfois de recul. On est un collaborateur et un allié, le travail se pense à deux. Parfois on aide les réalisateurs à se séparer d’une scène à laquelle il ou elle tient, et qui de toute évidence ne manquera pas au film. Parfois c’est l’inverse, le réalisateur a pris en grippe une scène qui ne ressemble pas à ce qu’il avait imaginé et à force de travail, on l’aide à l’aimer de nouveau. »
C’est d’ailleurs pour cette raison que les monteurs assistent rarement au tournage des films qu’ils s’apprêtent à monter : pour garder un oeil extérieur, être vierge et sans a priori. Entre le réalisateur et le monteur une vraie relation de confiance est de mise.
Elle complète :
« Chaque film est un nouveau défi à relever qui arrive avec son lot de spécificités, de questions et de problèmes à résoudre. Il n’y a pas de recette et de façon très empirique, il faut chercher : mettre les mains dans la matière. C’est quand les choses ne se passent pas tout à fait comme prévues que le travail devient crucial et passionnant. Le but du monteur n’est pas de réinventer en permanence le scénario, mais de fait on est souvent amenés à le faire. On monte toujours une première version du film qui respecte à la lettre ce qui était écrit. Cette version n’est jamais satisfaisante. L’histoire de papier prend corps à travers les acteurs, les images et les sons, et apparaissent des questions que l’écriture n’avait pas su anticiper. Des redondances dans l’histoire, des dimensions qui s’avèrent trop explicatives, ou au contraire trop elliptiques, des personnages trop mis en avant par rapport à d’autres, ou l’inverse. Pour le monteur, c’est à partir de l’état des lieux de cette première version que le véritable travail commence. »
Le monteur, monte démonte et remonte sans relâche.
Après avoir monté une vingtaine de courts-métrages, Clémence Diard est repérée par Samuel Benchetrit grâce à un court-métrage qu’elle a monté, « La Chanson ». En 2019, il lui propose de monter son film « Cette musique ne jour pour personne » (avec au casting François Damiens, Ramzy Bedia, Vanessa Paradis). Pour Clémence, c’est l’opportunité d’un premier long-métrage comme monteuse. A partir de là, la pompe est amorcée, d’autres propositions de montage arrivent. Deux films qu’elle a montés sont sélectionnés au festival de Cannes en 2021 (dont « Mes frères et moi » de Yohan Manca).
Clémence vit et travaille à Paris. Cela ne l’empêche pas de monter des films étrangers, en co-production avec la France (Liban, Israël, Bosnie Herzegovine). Le réseau de la Fémis marche aussi à plein, puisqu’elle monte le film « La Passagère » réalisé par une ancienne camarade de promo, Héloïse Pelloquet (avec au casting Cécile de France). Ces différents travaux lui ouvrent les portes de l’Académie des César dont elle devient membre en 2021. « Cela me permet de visionner en ligne les films produits dans l’année, et de voter pour mes favoris ».
Être monteur c’est travailler dans l’ombre, méticuleusement, au sens propre comme au sens figuré car cette étape du travail est peu connue du grand public. Mais quand il arrive à Clémence d’accompagner les films qu’elle a monté en festivals ou lors de leur sortie en salle, elle goûte au plaisir des projections publiques.
« C’est hyper important et émouvant. Des mois de labeur pour arriver là. Une fois projeté, le film ne nous appartient plus, on ne peut qu’espérer qu’il rencontre son public. Le film va vivre sa vie, un peu comme un enfant qui quitterait le nid », explique-t-elle.
Clémence monte environ deux films par an à raison de 3 ou 4 mois de travail sur chaque projet. Récemment, elle a monté un film de Céline Sallette sur Niki de Saint Phalle, et elle travaille actuellement sur le prochain film d’Emma Benestan « Animale » (sortie prévu courant 2024).
Clémence a aussi réalisé deux courts-métrage documentaires sur sa soeur aînée, Amélie, qui est autiste.
« En documentaire, le principe est le même qu’en fiction, même si notre matériau est plus brut, et attaché à une réalité, on cherche à raconter une histoire. Ma soeur Amélie, que je connais par coeur, devient un personnage le temps d’un film. Les films montrent certaines facettes d’elle qu’il m’a semblé intéressant de partager avec des spectateurs. Chacun à leur manière, ces deux films racontent les difficultés d’une jeune femme autiste à vivre de façon autonome. Si elle est dépendante de ses proches sur le plan pratique comme sur le plan affectif, elle ne manque pas d’humour et de bagout ce qui fait d’elle un personnage très attachant. »
Ces films sont visibles sur viméo.
Le projet d'Amélie (2013 / 27min) : https://vimeo.com/831685353
L’amie d'Amélie (2014 / 42min) : https://vimeo.com/831682587
Pour découvrir les films de Clémence en tant que monteuse :