Mais revenons sur la genèse du projet. En lien avec ses élèves ingénieurs à l’UTT, Serge a engagé depuis 4 ans des travaux de recherches en co-développement avec un village du Togo. Le but est d’apporter une aide à la conception, la fabrication et à la mise en œuvre de systèmes agricoles avec les ressources locales, en utilisant notamment la low-tech*. Mais le Covid empêche de retourner au Togo. Serge part alors en 2021 dans un périple de 1000 kms à la rencontre des fermes bio en France pour étudier leur mode de résilience. Un périple à pied très riche en rencontres. « Je ne suis pas fermier, j’ai beaucoup appris en faisant ce voyage de 6 semaines ! », évoque-t-il.
Ces deux projets ont donc initié et nourri le projet de ferme urbaine au sein du quartier prioritaire des Chartreux. Le but étant d’aller vers une population vulnérable au sein du quartier prioritaire des Chartreux. Avant de développer cette ferme urbaine au cœur du quartier, Serge a souhaité élaboré un prototype test, proche de l’UTT pour impliquer les étudiants de l’Unité de recherche InSyte, tout en créant un lien avec des habitants bénévoles, des associations de quartiers, des écoles et un public migrant.
La micro ferme est donc en phase test au cœur du campus de l’UTT sur une petite surface mais suffisante pour expérimenter des techniques de culture (permaculture) nécessitant une technologie rudimentaire mais efficace. Deux modules sans fondations sont autonomes en électricité grâce à des panneaux solaires, mais aussi en eau grâce à un récupérateur d’eau de pluie. Une serre a été installé sur le toit d’un module. Pour la partie culture sur le terrain, des oyas ont été réalisé de façon artisanale (deux pots de fleurs scellés entre eux avec de la terre). Ça expérimente à tous les niveaux avec par exemple des techniques de permaculture, de l’hydroponie*. Mais je ne vais pas rentrer dans le détail des techniques, car il est aussi important d’évoquer le volet humain du projet.
En effet, le 2e but, et sans doute le plus important de la micro ferme (et plus tard la ferme au cœur du quartier), est de favoriser l’implication du territoire pour le redynamiser. Ainsi actuellement 3 collaborateurs bénévoles / habitants expert assurent un rôle de mentorat pour être le lien avec d’autres habitants par la suite. Ils se forment progressivement en venant régulièrement sur la micro ferme. Ils sont associés sur le projet et sa mise en œuvre.
Serge Rohmer a tissé aussi des liens avec le centre social René Peltier, l’association l’Accord Parfait (présente sur le quartier des Chartreux, elle propose des ateliers sociolinguistiques à un public allophone).
Régulièrement des élèves de tous niveaux viennent visiter et participer à la vie de la micro ferme, ainsi ce sont 70 élèves de l’école élémentaire Cousteau (4 classes de CE1, 1 classe de CM1, 1 dispositif allophone) qui sont venus échanger et donner leurs idées sur la gestion de l’eau, la croissance des plantes, la fertilité des sols (grâce à nos amis les vers de terre). Le but étant d’accueillir aussi collégiens et lycéens.
La micro-ferme Urbaine a eu aussi le plaisir de recevoir des résidents de l’HUDA (centre d’Hébergement d’Urgence pour Demandeurs d’Asile). Cette structure basée à Saint Germain et gérée par l’association Aurore) a signé une convention avec l’UTT pour co-créer des actions sociales/culturelles/environnementales avec et pour les résidents. Cette convention s’est concrétisée par la mise en place d’un jardin partagé sur une parcelle de l’HUDA.
La visite à la micro-ferme vient compléter le projet de jardin partagé, les résidents ont pu discuter sur la pratique en permaculture de la micro-ferme et sur les expérimentations de micro-pousses. Chacun a pu échanger sur les pratiques agricoles de son pays, un beau moment d’échange pour tous.
Dans la continuité, les différentes parcelles ont eu le droit à des signalétiques en français, anglais et arabe. Elles ont été élaborés par les collaborateurs bénévoles de l’UTT. Ainsi tout à chacun peut identifier les plantes cultivées sur le terrain de la micro ferme.
Enfin la culture a droit de citer sur le site, puisque des œuvres d’art ont été créé sur place avec l’artiste Michel Marnat.
Pour avoir plus de précision sur ce projet : fermedeschartreux@utt.fr
* La permaculture reproduit ce que fait la nature : les êtres vivants, animaux et végétaux, y vivent en équilibre ; le sol est nourri par les plantes qui y poussent puis y meurent ; les végétaux de grande taille protègent les plus fragiles du vent et du soleil brûlant ; les plantes y sont adaptées au sol et au climat, et elles se ressèment toutes seules… Dans un jardin en permaculture, le jardinier agit un peu comme un chef d’orchestre : il veille à l’harmonie générale mais laisse chaque instrument jouer sa partition
* Hydroponie : cultiver des végétaux hors-sol et dans l’eau
* Low tech : pour qualifier des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée, qui intègrent la technologie selon trois grands principes : utile, accessible et durable